Communication
faite par M. André BAUDET,
Président de l'Assemblée des Présidents
des Chambres de Commerce
à la Réunion tenue par les Présidents des Chambres de Commerce
le 3 février 1931.
Extrait du Compte-Rendu "in-extenso" de la Réunion
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Messieurs,
Je veux vous apprendre
l'espéranto en quinze minutes. Vous saurez, au bout d'un
quart d'heure, l'alphabet, la prononciation, l'article, le substantif,
l'adjectif, la marque du pluriel, l'adverbe, conjuguer tous
les verbes ; je vous apprendrai quelques préfixes et
quelques suffixes et enfin, si nous avons encore seulement une
minute, je vous apprendrai à compter depuis un jusqu'à
l'infini. (Sourires.)
Je tiens à
vous dire, avant de vous expliquer le mécanisme même
de la langue, pourquoi j'ai étudié l'espéranto.
En 1920, lorsque je
suis entré à la Chambre de Commerce de Paris,
je n'en connaissais pas le premier mot. J'étais sceptique
sur la portée de cette langue, car j'avais entendu parler
du volapük autrefois, et je vous avoue que je n'avais pas
grande confiance dans la réussite d'une langue internationale.
Mais je faisais partie,
en 1920, de la Commission de l'Enseignement de la Chambre de
Commerce qui était présidée par M. Pascalis
que vous connaissez bien. M. Pascalis avait été
saisi d'une demande de prise en considération de l'espéranto
émanant du Groupe espérantiste de Paris. On nous
demandait d'introduire l'enseignement de l'espéranto
dans nos Écoles commerciales. Je souriais, comme tous
mes collègues, à cette proposition. C'est alors
que M. Pascalis, avec le bon sens que vous lui savez, dit :
"Moi, je ne connais rien à l'espéranto, mais
j'assiste à beaucoup de Congrès internationaux,
et, s'il y avait un moyen de se comprendre, ce serait un véritable
progrès. Il ne faut pas considérer cette idée
comme ridicule a priori. Et tenez, vous qui "rigolez"
(je vous demande pardon de l'expression; il l'a employée
familièrement), vous allez prendre le rapport."
J'ai répondu
: "Mon cher Président, avec plaisir, je vous dirai,
après examen, ce que j'en penserai."
Voila comment j'ai
été nommé rapporteur de la question. Rentré
chez moi, j'ai ouvert le dossier, j'ai trouvé une grammaire
: "L'Espéranto en dix leçons". Je me
suis dit que le meilleur moyen, pour renseigner mes collègues,
c'était de lire la grammaire et de voir de quoi il s'agissait.
À ma grande
surprise, j'ai été amusé par la lecture
de cette grammaire. Cela semble paradoxal de dire qu'on peut
être amusé par la lecture d'une grammaire, c'est
une chose horripilante en général; j'ai été
profondément intéressé par cette grammaire,
et tous ceux qui ont fait de l'espéranto ont la même
opinion à ce sujet. Et, deuxième constatation,
surprenante également, c'est que je la retenais sans
aucun effort. Je lisais le petit livre et faisais les exercices
comme un amusement; je notais au bas des pages le temps que
j'avais mis; je faisais ces lectures dans le métro, en
chemin de fer, un quart d'heure par-ci par-là, et j'avais
terminé complètement la lecture attentive, comme
on lit la règle d'un jeu, au bout de six heures. Mettez
dix heures en tenant compte que je me suis un peu exercé
ensuite en lisant des revues. Au bout de dis heures, donc, j'ai
fait cette constatation, que j'étais capable - et je
l'ai prouvé puisque j'ai écrit au Japon - d'écrire
une lettre commerciale en espéranto, de recevoir la réponse,
et de la traduire sans difficulté. J'ai, depuis, renouvelé
l'expérience sur des amis et notamment sur notre cher
Président Pascalis qui, je crois, à l'âge
de 73 ans, a appris l'espéranto en dix heures ; il m'a
écrit une lettre de quatre pages sans aucune faute. (Applaudissements.)
L'expérience
est donc absolument probante à ce sujet-là.
Inutile de vous dire
que cela m'a un peu étonné, je suis revenu devant
la Commission de l'Enseignement et j'ai dit à mes collègues
: "Je suis très troublé ; j'étais
fort sceptique, et maintenant, j'ai peur de tomber dans le sens
contraire. Je ne voudrais pas embarquer la Chambre de Commerce
de Paris trop rapidement dans celle voie, on va peut-être
se moquer de nous. L'espéranto, tout le monde rit quand
on en parlé, c'est comme le volapük. Mais j'ai le
sentiment que l'espéranto est au volapük ce que
les avions modernes sont à l'avion d'Ader. Je voudrais
bien qu'on m'adjoigne quatre collègues de façon
à faire une Sous-Commission à cinq, pour étudier
la question à fond."
On m'a adjoint quatre
collègues; parmi eux il y en avait un qu'on avait choisi
parce qu'il n'était pas là, il était en
République Argentine, sur le bateau de retour. Quand
il est arrivé à la Commission où il avait
été convoqué, il nous a dit :
- Je ne sais pas pourquoi
on m'a mis dans cette Commission, je suis l'adversaire-né
de toute langue auxiliaire ; en tout cas, si on en adoptait
une, je serais l'adversaire d'une langue artificielle. Il faut
une langue nationale, une langue vivante.
- Très bien,
laquelle?
- L'espagnol.
- C'est un point de
vue ; moi j'aurais peut-être choisi le français
; les Anglais : l'anglais. Mon cher collègue, ai-je dit,
il n'y a qu'une chose à faire, nous ne sommes pas là
pour vous ennuyer, vous avez votre liberté, on va vous
remplacer.
- Non, dit-il, je
suis nomme, je reste.
J'ai proposé
un plan à la Sous-Commission, ceci pour vous montrer
que cela n'a pas été étudié à
la légère.
J'ai proposé
d'abord de faire venir le Président du Groupe espérantiste
de Paris, M. Rollet de l'Isle, un polytechnicien, un savant,
à qui vous avons posé toutes sortes de questions.
J'ai dit à
M. Rollet de l'Isle : "Je suis très intéressé,
je ne vous le cache pas, par la grammaire, mais pour traduire
toutes les nuances de la pensée, comment allez-vous faire
en espéranto, avec une langue artificielle? En français,
comme d'ailleurs dans toutes les autres langues, vous avez des
idiotismes, c'est-à-dire des expressions intraduisibles."
Il m'a répondu
très simplement :
- Justement! vous
parlez d'expressions qui ne peuvent pas se traduire : c'était
la dernière chose qu'il fallait faire dans une langue
internationale.
Je suis resté
sans arguments contre cette réponse parfaitement logique.
Il n'y a pas d'idiotismes en espéranto, on est obligé
de s'exprimer clairement. "Quant aux nuances, ajouta M.
Rollet de l'Isle, mettez-moi à l'épreuve; il faut
que vous puissiez vous rendre compte."
Nous l'avons mis à
l'épreuve, et voici les expériences que nous avons
faites. Cela a duré toute une journée. On a fait
venir quatre espérantistes, on les a divisés en
deux groupes par moitié; nous avions choisi des textes,
que nous leur avons soumis : un contrat d'arbitrage, les pouvoirs
d'un administrateur, et la vente d'un modèle en toute
propriété. Ce sont des textes précis qui
intéressent les commerçants, les industriels par
conséquent, qui pouvaient nous donner une opinion sur
la valeur de la langue. Ces textes ont été traduits
de français en espéranto par deux espérantistes
que nous avons renvoyés ensuite pour les faire retraduire
par les deux autres espérantistes, d'espéranto
en français.
A l'unanimité
de la Sous-Commission, on a reconnu que le sens avait été
exactement reproduit à l'exception d'un mot; mais ce
mot a été reconnu défectueux à cause
de l'ignorance des traducteurs et non par suite d'un défaut
de la langue ; c'était le mot "tiers-arbitre",
qu'ils avaient traduit comme "troisième arbitre"
parce qu'ils ignoraient le sens de ce mot ; mais lorsqu'on le
leur a expliqué, ils ont pu parfaitement indiquer l'idée
de départager les arbitres dans le terme qu'ils ont employé.
Donc, l'unanimité
de la Sous-Commission a reconnu l'expérience entièrement
concluante.
Nous sommes revenus
devant la Commission qui m'a chargé de présenter
un rapport favorable au principe de la propagation de l'espéranto
et de l'enseignement facultatif dans nos Écoles de commerce.
Ce rapport a été
approuvé le 9 février 1921, et après sa
lecture le premier membre qui a demandé la parole pour
l'appuyer énergiquement est celui des membres de la Sous-Commission
qui, avant ses travaux, s'était déclaré
hostile à toute langue auxiliaire artificielle. (Applaudissements.)
***
Je vous ai donc expliqué,
Messieurs, pourquoi je me suis occupe de la question ; je vais
maintenant, car vous n'êtes pas obligés de me croire,
vous prouver que l'espéranto est facile, vous allez l'apprendre
en quinze minutes. Je commence.
Prononciation.
Prenons d'abord la
prononciation; à part q, w, x et y, toutes
les lettres existent comme en français, mais certaines
ne se prononcent pas de la même façon :
c se prononce
ts comme tsar, et ĉ se prononce tch
comme tchèque ;
e se prononce toujours é ;
g se prononce gue comme gant ;
ĝ se prononce dj comme djinn ;
h est aspiré et ĥ, très aspiré
;
j se prononce comme ï ou comme y dans
"yeux" ;
ĵ se prononce comme j français ;
s ordinaire se prononce comme en français ; ŝ
se prononce ch, comme cheval ;
u se prononce ou comme ours.
Une fois que vous
savez cela, vous savez prononcer l'espéranto; parce que
l'espéranto est une langue phonétique,
c'est-à-dire qu'à chaque lettre correspond un
son et un seul ; il n'y a pas de diphtongues, et vous ne devez
pas dire : espéranto, mais esperannto ; vous prononcez
toutes les lettres à. la suite les unes des autres tout
simplement. Il y a là une fameuse différence avec
le français ; prenez par exemple une phrase qu'on cite
souvent : "Les poules qui couvent au couvent." Un
étranger, quand il lit cette phrase, est tout à
fait surpris, "couvent" et "couvent" ne
se prononcent pas de la même manière. En espéranto,
cela n'arrive pas.
On m'a dit souvent
: Vous ne pourrez pas faire que des gens de langues différentes
prononcent de la même façon. Un Anglais prononcera
toujours une phrase à la manière anglaise.
Je réponds
: Pardon, il prononcera ainsi s'il n'a pas appris la prononciation
; et tenez, moi qui sais à peine l'anglais, j'ai appris
à prononcer l'espéranto à un Anglais. Il
n'y aura que de très légères différences
d'intonation, mais non de prononciation ; par exemple, l'Anglais
dira plutôt : espe-anto, et l'Espagnol : esperranto.
J'ai assiste à des Congrès où trente à
trente-cinq nations étaient représentées,
il n'y avait aucune différence de prononciation. J'ai
même présidé un de ces Congrès, c'est
ce qui m'a le plus étonné ; le Président
qui était un Anglais étant absent, comme c'était
à Paris, en 1925, on m'a demande de présider ce
Congrès alors que je n'avais pas l'habitude de parler
l'espéranto, mais seulement de l'écrire quelquefois.
J'ai été surpris de comprendre à peu près
tout ce qui se disait, bien que je n'eusse pas la pratique de
la langue, et de pouvoir m'exprimer à ce Congrès.
En 1923, j'avais été
désigné par la Chambre de Commerce de Paris pour
me rendre au Congrès de Venise ; j'ai été
prévenu huit jours à l'avance et j'étais
un des vice-présidents.
J'étais très
ennuyé. Je savais bien assez d'espéranto pour
l'écrire, avec un lexique, mais pour le parler ! Je suis
allé trouver le général Sébert,
membre de l'Institut, je lui ai dit : Que faut-il faire?
- Vous avez huit jours
devant vous, m'a-t-il dit, cela va bien, vous allez venir une
heure par jour (en réalité je n'ai pu y aller
qu'une demi-heure), vous ferez étudier votre rapport
par nos secrétaires, vous le discuterez, le corrigerez,
vous serez déjà débrouillé.
J'ai pu, en effet,
faire un petit speech que j'avais préparé, évidemment,
puis, dans la discussion, on m'a jeté à l'eau,
et j'ai bien été obligé de parler ; je
m'en suis tiré. C'est tout à fait curieux.
Mais le plus curieux,
c'est qu'en sortant de ce Congrès de Venise, je rencontre
un délégué de la Chambre de Commerce de
Pékin et de Tien-Tsin, qui m'arrête et me dit en
espéranto (pas en chinois, je n'aurais pas compris !)
qu'il avait eu plaisir à m'entendre parler, que je m'en
étais bien tiré. Je lui ai répondu. Donc,
dès te premier contact, j'avais parlé avec un
Chinois ! Dans le couloir du train de retour, j'ai été
rejoint par un Hongrois qui parlait naturellement sa langue,
que je ne connais pas, inutile de vous le dire.
Pendant vingt minutes,
grâce à l'espéranto, j'ai pu m'entretenir
avec ce Hongrois comme j'avais pu le faire avec le Chinois.
(Applaudissements.)
Article.
Passons maintenant
à l'article. L'article se dit : la, toujours,
au masculin, au féminin, au pluriel, il est inutile de
mettre la marque du pluriel, puisqu'il y en aura une sur le
nom et l'adjectif.
Donc la = le,
la, les.
Substantif.
Le substantif se termine
toujours par un o. Vous aurez par exemple, la komerco
(le commerce), la patro (le père), la birdo
(l'oiseau), la knabo (l'enfant). Je vous indique différentes
racines qui vous montrent des origines nationales variées,
mais il est à remarquer que le latin domine. Et Zamenhof,
qui était un Polonais et un polyglotte remarquable, avait
eu l'astuce de prendre la racine commune, au plus grand nombre
de langues ; si bien qu'on peut dire qu'il y a 75 % des racines
de chaque langue dans l'espéranto. Quand on apprend l'espéranto,
on a l'impression que cette langue a été faite
pour soi plutôt que pour le voisin. Et cela, tous les
étrangers le disent.
Adjectif
et adverbe.
L'adjectif se termine
toujours par un a :
komerca, commercial
;
patra, paternel ;
frata, fraternel, etc.
L'adverbe se termine
toujours par un e :
komerce, commercialement
;
patre, paternellement ;
frate, fraternellement, etc.
Pluriel.
La marque du pluriel,
c'est le j :
la komercoj,
les commerces ;
la patroj, les pères ;
la fratoj, les frères ;
la knaboj, les enfants, etc.
L'adjectif, toujours
terminé par le a, prend également la marque
j du pluriel ; exemple :
la bonaj patroj,
les bons pères ;
la belaj birdoj, les beaux oiseaux, etc.
Conjugaisons.
Vous savez donc déjà
le substantif, l'article, l'adjectif, l'adverbe. Je vais maintenant
vous apprendre à conjuguer tous les verbes, ce que je
ne pourrais certes pas faire en quelques minutes pour l'anglais
ou pour l'allemand, ni pour le français !
Prenez une racine
quelconque, vous n'avez que douze terminaisons à retenir.
En français, vous avez plus de 2 700 terminaisons à
apprendre pour conjuguer tous les verbes. En espéranto,
il y en a douze.
Celle de l'infinitif
est toujours i.
Exemple :
bat-i, battre
komerc-i, commercer, etc.
Pour les autres temps,
il faut d'abord savoir les pronoms :
mi, |
moi
; |
ci, |
toi
; |
li, |
il
; |
ĝi, |
lui
(en neutre) ; |
ŝi, |
elle
; |
ni, |
nous
; |
vi, |
vous
; |
ili, |
eux,
elles. |
Cela étant
admis, pour conjuguer le verbe, vous énoncez d'abord
le pronom puis la racine du verbe à laquelle vous ajoutez
une seule terminaison par temps.
Pour l'indicatif présent,
cette terminaison est : as.
Mi bat-as,
je bats ;
Li bat-as, il bat ;
Vi bat-as, vous battez, etc.
Le pronom indiquant
la personne, inutile de changer la terminaison. Pour tous les
verbes, c'est la même chose.
Mi amas, j'aime
;
Mi laboras, je travaille ;
Mi ridas, je ris.
Pour les autres temps,
il en est de même en variant seulement les terminaisons,
qui sont les suivantes :
Infinitif
: i ; |
Passé
: is ; |
Présent
: as ; |
Conditionnel
: us ; |
Futur
: os ; |
Subjonctif
(et impératif) : u. |
Exemples :
Ni bat-os,
nous battrons ;
Li bat-is, il battait ;
Ili bat-us, ils battraient ;
Vi bat-u, que vous battiez (ou : battez).
Avec ceci et l'auxiliaire
être, esti, vous pourrez conjuguer tous les verbes, étant
donné que vous retiendrez, en plus des terminaisons que
je viens de vous apprendre, les six autres seules terminaisons
suivantes pour les participes :
|
Présent |
Passé |
Futur |
Actif |
anta |
inta |
onta |
Passif |
ata |
ita |
ota |
Exemple: mi estas
batanta, je suis battant (je suis en train de battre).
Mi estas batata,
je suis étant battu (je suis battu).
Mi estas batinta, je suis ayant battu (j'ai battu) etc.
J'estime qu'avec ces
12 seules terminaisons à retenir, sans aucune exception
ni irrégularité, vous ne mettez guère qu'une
demi-heure pour apprendre à conjuguer couramment tous
les verbes.
Affixes.
Avant de vous enseigner
à compter de un jusqu'à l'infini, je vais vous
apprendre quelques affixes, parce que c'est une des particularités
de la langue les plus curieuses et intéressantes. L'espéranto
permet les nuances dont je parlais tout à l'heure en
intercalant entre la racine et la terminaison certains affixes,
ou bien, en mettant avant la racine certains préfixes
qui font varier le sens.
Exemple :
Bel-a beau. Mal-bel-a,
laid.
Grand-a grand. Mal-grand-a, petit.
Long-a long. Mal-long-a, court, etc.
Voici maintenant des
suffixes.
Je vous ai dit que
les noms n'avaient pas de genre, mais il faut bien différencier
les sexes dans les espèces humaines ou animales. Eh bien,
le féminin s'indique par le suffixe in avant la
terminaison o du substantif.
Exemple :
Le père, la
patr-o ; la mère, la patr-in-o ;
Le frère, la frat-o ; la sœur, la frat-in-o ;
Le garçon, la knab-o ; la fille, la knab-in-o,
etc.
La descendance s'indique
par le suffixe id. Prenons un exemple, la ĉevalo, le
cheval. Comment direz-vous la jument ?
Plusieurs voix.
- La ĉevalino...
C'est admirable? J'entends
toutes les Chambres de Commerce qui répondent : la ĉevalino
(Rires). Le poulain se dira : la ĉeval-id-o; la pouliche, la
ĉeval-id-in-o. Vous avez, dans toute autre langue, quatre efforts
de mémoire à faire pour vous rappeler : le cheval,
la jument, le poulain, la pouliche ; en espéranto, un
seul effort, il suffit de vous rappeler la racine : ĉeval.
Autre exemple :
Bov-o, bœuf ; bov-in-o,
vache.
Bov-id-o, veau ; bov-id-in-o, génisse.
Prenez alors n'importe
quelle racine d'une espèce animale, et vous pourrez toujours
former les quatre mots, même si ces mots n'existent pas
en français.
Par exemple, nous
avons en français le lièvre, la hase, le levraut,
mais nous n'avons pas la "levraute". En espéranto,
vous n'aurez qu'à ajouter les deux suffixes id
et in à la racine pour faire dériver de
lièvre (leporo) la petite hase (leporidino).
Vous êtes dans
un laboratoire et vous voulez dire : apportez-moi le petite
femelle d'un cobaye (kobajo). Vous emploierez en espéranto,
au lieu de cette périphrase, un seul mot : kobajidino.
Commencez-vous à
vous rendre compte de l'extraordinaire richesse d'expressions
de cette langue qui permet de former des mots qui n'existent
pas en français?
Vous pouvez, d'autre
part, comme en allemand, former des mots composés ; écrivons
par exemple l'adjectif dik-a, qui veut dire épais,
et le mot korp-o qui veut dire corps ; dik-korp-a
signifiera : corpulent (au corps épais) - je retiens
ce mot car il va me servir tout à l'heure.
Je vous apprendrai
encore le suffixe ul qui indique l'être vivant
caractérisé par la qualité qu'exprime la
racine. Je m'explique : par exemple, saĝa veut dire sage;
un homme sage, ou mieux un sage, se dira : saĝulo). Éminent
se dit eminenta; un homme éminent se traduira par eminentulo
; ainsi, messieurs, vous êtes tous des eminentuloj (Rires).
Je vous citerai encore
deux suffixes : l'augmentatif eg et le diminutif et.
Exemples :
Bel-a, beau. Bel-eg-a,
superbe. Bel-et-a, joli.
Mal-bel-a, laid. Mal-bel-eg-a, affreux. Mal-bel-et-a,
vilain.
Pal-a, pâle. Pal-eg-a, livide. Pal-et-a,
pâlot.
Pluv-o, pluie. Pluv-eg-o, averse. Pluv-et-o, bruine.
Rid-i, rire. Rid-eg-i, rire aux éclats. Rid-et-i,
sourire, etc.
Vous voyez à
quel point on a la possibilité de faire varier les nuances,
eu ne sachant que quelques racines.
Mais je vous ai dit
tout à l'heure que je retenais le mot dikkorpa,
voici pourquoi.
Cet été,
en me promenant, je vois arriver en face de moi une dame, petite
et assez forte; intérieurement, je pense : "une
petite boulotte" et alors je me dis : "Voilà
un mot que je ne saurais pas traduire en espéranto !"
Puis, en réfléchissant, pourquoi pas? dikkorpa,
nous l'avons vu, signifie corpulent; dikkorpulo, e'est
un homme gros; dikkorpulino, c'est une grosse femme;
dikkorpulineto, c'est une petite boulotte". (Rires
et applaudissements).
Je vous signale encore
un suffixe ; je ne vous les indique pas tous - il y en a en
tout vingt-cinq et six préfixes - mais je veux vous citer
encore celui-ci, le suffixe ist. En français,
vous dites : un pianiste, un dentiste, un artiste, mais vous
dites aussi un tourneur, un quincaillier, un boulanger ; et
l'étranger est obligé d'apprendre chaque mot ;
tandis qu'en espéranto il n'y a jamais d'exceptions,
le suffixe ist sert toujours à indiquer la profession
; vous aurez ainsi, dent-ist-o, dentiste, de dento,
dent ; pan-ist-o, boulanger, de pano, pain; komerc-ist-o,
commerçant, de komerco, commerce, et ainsi de
suite, tant qu'il vous plaira.
Ceci posé,
et comme il nous reste une minute, je vais vous apprendre à
compter depuis un jusqu'à l'infini.
Pour savoir compter
jusqu'à l'infini, il suffit de savoir compter jusqu'à
dix :
unu |
un |
ses |
six |
du |
deux |
sep |
sept |
tri |
trois |
ok |
huit |
kvar |
quatre |
naŭ |
neuf |
kvin |
cinq |
dek |
dix |
Et savoir, en outre,
que :
Cent se dit : cent
;
Mille se dit : mil ;
Million : miliono ;
Milliard : miliardo.
Ceci posé,
pour dire 11, vous dites dis-un (dek-unu) ; 12, dix-deux
(dek-du); 13, dix-trois (dek-tri), etc.
Pour dire vingt, au
contraire, vous dites : deux-dix (du-dek); trente, c'est
trois-dix (tri-dek); quarante, quatre-dix (kvar-dek),
etc. Vingt-et-un, ce sera : deux-dix-un (du-dek-unu)
; 362, ce sera tri cent sesdek du ; 1931, ce sera: mil
naŭ cent tridek unu. Vous pouvez ainsi compter jusqu'à
l'infini.
Le quart d'heure est
terminé. Par ce que vous avez appris en quinze minutes,
je pense vous avoir convaincus qu'il vous faudra à peine
dix heures pour savoir correspondre en espéranto... (Vifs
applaudissements).
Je ne vous propose
pas d'émettre un vœu aujourd'hui. Vous pourrez examiner
la question et me dire si vous désirez le faire à
une prochaine séance, de façon que les adversaires
des Chambres de Commerce ne disent pas, comme on l'a déjà
répété, bien à tort, qu'elles sont
opposées à toute innovation.
Pour répondre
à une question qui m'a été posée
par plusieurs d'entre vous, je vais vous indiquer comment on
peut se documenter pour apprendre cette langue. Vous pouvez
demander "Le Cours par correspondance" édité
par la Société auxiliaire pour les applications
commerciales de l'espéranto, en vous adressant à
M. Petit, 5, rue du Sahel. Je crois que, pour 160 francs, on
reçoit tous les fascicules, les dictionnaires et on corrige
tous les exercices. Il y a ici des employés de la Chambre
de Commerce qui ont suivi ce cours par correspondance et qui
écrivent couramment l'espéranto. Je signale que
la Foire de Paris, la Foire de Lyon, la Foire de Leipzig, la
Foire de Francfort, la Foire de Valence, font des tracts en
espéranto.
On va vous distribuer
des tracts de la Foire de Paris ainsi que des bulletins d'adhésion,
pour ceux que cela intéresserait, à l'association
"Espéranto et Commerce" (1),
pour l'expansion économique française par l'espéranto,
association dont j'ai accepté récemment la présidence.
Vous ne savez peut-être
pas qu'il existe actuellement 1 830 villes, réparties
dans 80 pays, dans lesquelles il y a au moins un délégué
officiel de l'organisme central espérantiste; j'utilise
ce réseau d'inter-communications (car j'appelle cela
un réseau, c'est comme le téléphone), j'utilise
ce réseau pour demander des renseignements à ces
délégués. Dernièrement, un membre
de "Espéranto et Commerce", ne pouvant depuis
plusieurs mois faire rentrer une créance de 10 000 francs
du Chili, a eu l'idée de s'adresser au délégué
de Santiago: le délégué de Santiago a fait
renter cette créance sans difficulté. (Applaudissements.)
L'espéranto
est une chose tout à fait intéressante pour l'avenir,
étant donné l'effort minime qu'il y a lieu de
faire ; il ne s'agit nullement de concurrencer les langues nationales
; on pourrait considérer l'espéranto comme un
code de correspondance et de langage international. Sous
cet angle-là, je crois que les Chambres de Commerce sont
tout à fait dans leur rôle quand elles préconisent
l'étude de l'espéranto. C'est pourquoi j'ai accepté,
à la demande de plusieurs d'entre vous, de vous faire
cet exposé aujourd'hui. J'ajoute que la question progresse.
Les Rotariens, qui comprennent 160 000 membres, ont mis la question
à l'ordre du jour de leur Congrès de Vienne de
cette année. D'autre part, le Comité exécutif
de la Chambre de Commerce internationale, présidé
par M. Theunis, doit m'entendre le 20 février. Chaque
année, on voit une augmentation notable du nombre des
espérantistes dans le monde.
J'ajoute, que pas
plus tard qu'hier, j'ai été sollicité d'aller
faire en Hollande, le mois prochain, une conférence devant
les délégués et devant les secrétaires
administratifs de toutes les Chambres de Commerce de Hollande,
ce que j'ai accepté, puisque la question les intéresse.
Il y a à La Haye un Institut où professe un homme
remarquable, un Hongrois, l'abbé Cseh, qui a cette faculté
d'enseigner l'espéranto à un auditoire composé
de personnes de nationalités différentes : cet
homme a fait un cours en esperanto, au Congrès international
d'Oxford de 1930, à des hommes qui appartenaient à
une trentaine de nations.
Il a fait, à
Paris, à la Sorbonne, dernièrement douze leçons
; il y avait 250 personnes le premier jour et l'amphithéâtre
n'en peut contenir davantage; fait extraordinaire pour un cours
(car ordinairement on voit décroître le nombre
des auditeurs), le dernier jour il y avait 300 personnes; les
gens étaient debout mais cela ne fait rien, ils écoutaient
parce qu'ils étaient intéressés.
Je ne sais si j'ai
pu faire de même à votre égard : ceci est
une causerie à bâtons rompus, je m'en excuse ;
je pense que cela ne vous aura pas trop ennuyés et que
je vous ai, en tout cas, en retardant un peu l'heure du déjeuner,
donné de l'appétit et peut-être aussi le
désir d'utiliser l'espéranto et d'aider à
son développement pour la facilité des transactions
internationales. (Vifs applaudissements.)
VŒU
émis
par l'Assemblée des Présidents
des Chambres de Commerce
dans sa réunion du 2 juin 1931
Utilisation
de l'ESPÉRANTO comme langue auxiliaire
dans les Relations Commerciales Internationales
Étaient
présents ou représentes !es Présidents
des 115 Chambres de Commerce ci-après :
Abbeville, Agen, Albi,
Alençon, Alès, Amiens, Angers, Angoulême,
Annecy, Annonay, Arras, Aubenas, Auch, Aurillac, Auxerre, Avesnes,
Bar-le-Duc, Bayonne, Beaune, Beauvais, Belfort, Bergerac, Béthune,
Béziers, Blois, Bolbec, Bône, Bordeaux, Boulogne,
Bourg, Brest, Caen, Cahors, Calais, Cambrai, Castres, Châlon-sur-Saône,
Chambéry, Charleville, Chartres, Châteauroux, Cherbourg,
Cholet, Clermont-Ferrand, Constantine, Corbeil, Dieppe, Dijon,
Douai, Dunkerque, Épinal, Fécamp, Flers, Foix,
Fougères, Granville, Gray-Vesoul, Grenoble, Guéret,
Le Havre, Honfleur, Libourne, Lille, Limoges, Lons-le-Saunier,
Lorient, Lure, Lyon, Mâcon, Le Mans, Marseille, Mazamet,
Meaux, Melun, Mende, Millau, Mont-de-Marsan, Morlaix, Moulins,
Nantes, Nevers, Orléans, Paris, Périgueux, Péronne,
Perpignan, Poitiers, Pont-Audemer, Reims, Rennes, La Rochelle,
La Roche-sur-Yon, Rodez, Roubaix, Rouen, Saint-Brieuc, Saint-Étienne,
Saint-Nazaire, Saint-Omer, Saumur, Sedan, Sens, Strasbourg,
Tarare, Tiers, Toulouse, Tourcoing, Tours, Le Tréport,
Troyes, Tulle, Valence, Versailles, Vienne, Villefranche.
S'étaient
excusés les Présidents des Chambres de Commerce
ci-après :
Alger, Arles, Avignon,
Besançon, Bougie, Carcassonne, Châlons-sur-Marne,
Colmar, Elbeuf, Laval, Mostaganem, Nancy, Narbonne, Nîmes,
Le Puy, Saint-Dié, Saint-Malo, Sète, Valenciennes.
L'Assemblée
des Présidents dos Chambres de Commerce.
Considérant
que l'utilisation de la langue auxiliaire espéranto est
en progrès dans la plupart des pays et que les Chambres
de Commerce ne sauraient se désintéresser d'un
moyen nouveau d'intercompréhension susceptible de faciliter
grandement les transactions dans le monde entier ;
Considérant
qu'il ne doit nullement être question de porter atteinte
aux langues nationales et, en particulier, à la langue
française, dont la littérature, intimement liée
à notre histoire, est riche d'impérissables chefs-d'œuvre
;
Considérant
que la langue auxiliaire doit, au contraire, être instituée
comme une sorte de code international de correspondance et de
langage servant d'interprète entre les nations, et doit,
pour cette raison, pouvoir s'acquérir par une étude
facile et rapide ;
Considérant
que l'espéranto réunit les qualités désirables
de clarté et de simplicité méthodique,
tant au point de vue de la prononciation entièrement
phonétique, que de la grammaire sans exceptions, du vocabulaire
et de la richesse d'expressions ;
Considérant
qu'il suffit d'une dizaine d'heures d'études sans professeur
à un homme de culture moyenne pour utiliser correctement
le lexique de racines comme un véritable code international
de correspondance,
1°) Émet
un avis très favorable à la propagation de la
langue auxiliaire espéranto ;
2°) Recommande
l'extension des cours dans toutes les écoles et, notamment,
dans les écoles d'enseignement commercial ou professionnel
;
3°) Donne mandat
à son Président pour prendre contact avec les
Chambres de Commerce de tous les Pays, afin d'établir
une enquête approfondie sur les organisations existantes
ou en voie de formation et sur les moyens de faciliter l'utilisation
pratique de l'espéranto dans les relations commerciales
et touristiques.
1. Siège social : 23, rue Notre-Dame-des
Victoires. Les adhérents reçoivent gratuitement
le journal : "La movado" et sont mis en rapport avec
les délégués dont il est parlé ci-après.
B-6047.
- Lib.-Impr. réunies, 7, rue St-Benoît, Paris.
— 15406.
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