Une langue
doit faire découvrir
une culture, un pays, un peuple
Extrait de Claude Piron dans "Culture et espéranto"
Si le but de l'enseignement des langues est, pour l'Éducation nationale, l'accès à une culture, ce ne l'est ni pour les parents, ni pour les élèves. Ce que ceux-ci réclament, c'est un moyen de communiquer avec l'étranger, de s'élever dans l'échelle sociale ou d'améliorer leurs chances professionnelles.
Certes, il est beau de tendre vers des objectifs élevés, mais, sous peine de donner dans l'utopie, il faut se poser la question de savoir s'il est réellement possible de les atteindre.
Interrogez donc les jeunes qui ont fait au lycée six années d'anglais, d'allemand ou d'espagnol. Vous verrez que seul un infime pourcentage est à même de s'exprimer dans la langue étudiée. «Nous avons constaté qu'au niveau du baccalauréat, un enfant sur cent seulement parvient à s'exprimer correctement dans une langue étrangère. Quant à une deuxième langue, le résultat final aux plans de la culture et de l'élocution dépasse rarement le niveau du balbutiement», constate un pédagogue. Un niveau aussi élémentaire est-il comparable avec un accès authentique à la culture ?
En outre, le lycéen moyen
n'est pas particulièrement cultivé à l'égard
de la civilisation à laquelle se rattache la langue choisie.
Il suffit pour s'en rendre compte d'inviter quelques élèves
d'anglais, pris au hasard, à parler de Shakespeare, de
Tennyson ou de Graham Greene. Ils n'en savent pas plus que bien
des personnes qui n'ont pas appris la langue, mais qui se sont
intéressées à la littérature anglaise
en recourant à des traductions.
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Qui, en fait,
a lu Shakespeare, Steinbeck ou Jack London en anglais, Dante
en italien, Cervantès en espagnol ?
La presque totalité de ce que l'on sait d'une culture, à l'exception des cas particuliers (professeurs, linguistes, interprètes, familles polyglottes, professions particulières comme ethnologues, archéologues etc.), on l'a appris par des traductions.
En outre, culture, langue et peuple ne se recoupent pas systématiquement (voir les Chinois anglophones de Hong-Kong, un juif athée qui peut ignorer le yiddish et l'hébreu, la francophonie très diverse etc.)
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