Il faut garder
la diversité des langues
Cet argument paraît de prime
abord très pertinent, par analogie avec
la biodiversité dont nous avons tous
entendu dire à quel point elle était
menacée, à quel point elle est
importante pour garder le patrimoine génétique
mondial. Nous connaissons tous aussi le cliché
sur les chiens bâtards plus vigoureux
que les chiens de pure race, nous nous rappelons
les anecdotes historiques sur les familles royales
souffrant d’un abus de mariages consanguins,
etc.… Bref, la diversité, c’est l’avenir
de la Terre et de l’Humanité.
Pourtant ce n’est qu’une analogie.
En suivant cet argument, au nom
de la diversité linguistique ne devrions-nous
pas communiquer entre Bretons, Basques, Catalans,
Occitans, Savoyards, Franciliens, etc.… à
l’aide d’interprètes et de logiciels
de traduction ?
A chaque niveau supérieur
d’organisation sociale depuis la vie tribale,
la nécessité d’une langue commune
s’est imposée : les langues nationales
ont chapeauté les langues ethniques ou
régionales, parfois dans la douleur des
conflits historiques, parfois plus pacifiquement.
Le 20e siècle a vu naître
de nombreuses organisations internationales,
politiques, commerciales, humanitaires, logistiques,
professionnelles, mais le choix d’une ou de
plusieurs langues de travail a toujours été
la résultante de luttes d’influence,
jamais un choix raisonné.
Le français, autrefois langue
diplomatique, langue de culture (argument prétentieux
et vexant pour les autres pays, mais souvent
répété), ne cesse de perdre
du terrain, l’allemand itou, l’anglais s’est
imposé à Bruxelles sans qu’on
ose le reconnaître officiellement. Où
est aujourd’hui la diversité linguistique
?
Le choix de l’espéranto
comme langue de communication, loin d’être
un appauvrissement culturel, serait neutre et
respecterait toutes les langues, en mettant
chacune sur un pied d’égalité,
en faisant de sorte qu’une personne discutant
avec un anglophone ne se sente pas maladroite,
stupide, malhabile à exprimer sa pensée,
en situation d’infériorité, d’humiliation.
C’est pourtant ce que ressentent souvent les
personnes obligées de faire un exposé
en anglais dans une entreprise, de discuter
politique avec des anglophones de naissance,
etc.
Comme toute langue, l’espéranto
a ses racines dans d’autres langues. Comme toute
langue, il vit, évolue par le seul fait
de son utilisation, s’enrichit régulièrement
en puisant dans les autres langues, dans le
fonds commun de mots qui circulent sur toute
la planète peu modifiés d’une
langue à l’autre (par exemple le vocabulaire
informatique), et par ses propres possibilités
combinatoires. L’espéranto, s’il était
adopté officiellement, se nourrirait
de toutes les langues, une fois une structure
entérinée par l’usage.
Puisque nous avons commencé
par une analogie trompeuse, celle de la biodiversité,
concluons par une autre :
Une langue de communication serait
comme l’eau qui court entre les pays par les
rivières et les nappes souterraines,
s’élève et retombe en pluie, faisant
circuler les idées des uns aux autres.
|