Questions - réponses sur l'espéranto

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Réponses à quelques lieux communs ou préjugés sur l'espéranto

Quelques éléments de grammaire espéranto

Grammaire de l'espéranto

 

Médecine (et sciences en général)
et langue de communication

       L'anglais est de fait la langue internationale (véhiculaire) en médecine, celle des congrès, des revues les plus prestigieuses où les publications ambitieuses souhaitent se voir accepter. Certaines facultés de médecine ont même envisagé d'intégrer l'anglais au cursus obligatoire.

       Nous avons cherché à montrer - avec d'autres - que l'espéranto serait dans ce rôle un bien meilleur choix que l'anglais, par sa régularité, sa facilité d'apprentissage inégalée, son respect de l'étymologie et l'économie de mémoire qu'il permet - à niveau égal.

       Sur l'argument "mais tout le monde parle anglais", nous avons rappelé qu'à défaut d'utiliser une échelle de niveau en langue, on se cache la réalité.

       Des linguistes, des polyglottes doués, des interprètes etc. peuvent aimer l'étude d'une ou plusieurs langues difficiles, mais en tant qu'outil de communication ne vaudrait-il pas mieux une langue dix fois plus facile, dix fois plus rapide à apprendre, aussi précise et évolutive ?

       Quant à l'aspect géopolitique et économique de l'anglais dans le monde scientifique, voici un extrait de Charles Durand (La mise en place des monopoles du savoir, Éditions l'Harmattan ), qui présente mieux les faits que nous ne saurions le faire :

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       Il y a presque 35 ans, la plupart des facultés de sciences aux États-Unis supprimaient leur «Ph.D. foreign language requirement». Jusque là, tout futur doctorant américain dans une discipline scientifique devait obligatoirement prouver qu'il maîtrisait au moins UNE des grandes langues scientifiques autres que l'anglais, et cela suffisamment pour pouvoir comprendre sans difficulté toute publication dans sa spécialité rédigée dans cette langue. Les langues étrangères alors reconnues par les universités nord-américaines comme «langues scientifiques» comprenaient généralement un sous-ensemble de langues indo-européennes (allemand, espagnol, français, russe), sémitiques (arabe littéraire) et asiatiques (japonais et mandarin).

       Aujourd'hui, à quelques rares exceptions près, ce «Ph.D. foreign language requirement» n'existe plus dans les disciplines scientifiques. Depuis sa suppression, des pressions directes et indirectes ont été exercées sur les congrès scientifiques internationaux - autrefois multilingues - pour qu'ils deviennent progressivement unilingues, et la même tendance s'est appliquée aux revues et journaux présentant les résultats des recherches fondamentales, dans les pays anglophones comme ailleurs. La disparition progressive des langues autres que l'anglais du domaine de la communication scientifique internationale suivait en fait les directives énoncées dans l'«Anglo-American Conference Report 1961». Ce document de nature confidentielle était destiné au British Council dont l'actuel président Tony Andrews déclare d'ailleurs sans complexe que «l'anglais devrait devenir la seule langue officielle de l'Union européenne» (rapporté par le Frankfurter Allgemeine Zeitung du 27 janvier 2002). Rien que ça! Parallèlement, de nombreux laboratoires, instituts, centres de recherche et même certaines divisions d'industries manufacturières ont, dans divers pays non anglophones, adopté l'anglais comme langue «officielle» de leurs activités sous la pression de leurs dirigeants qui prétextaient des nécessités commerciales et des impératifs de communication à l'échelle planétaire.

       «La mise en place des monopoles du savoir» présente un examen détaillé de la situation actuelle et démontre que l'adoption officielle ou officieuse de l'anglais comme véhicule de communication internationale dans le seul domaine scientifique entraîne un certain nombre d'effets pervers pesant très lourds par rapport aux bénéfices que cette pratique est censée apporter à ses promoteurs. Plus particulièrement dans le cadre universitaire, elle entraîne la formation de monopoles en opposition absolue aux principes de libre accès au savoir dans des établissements d'enseignement supérieur libres et ouverts.

       L'actuel quasi monopole du savoir technico-scientifique moderne détenu par les Anglo-américains - que certains refusent d'admettre - n'est pas lié aux seuls mérites de leurs chercheurs et de leurs ingénieurs. Dans une large part, il est la conséquence directe de l'adoption de la langue anglaise comme langue internationale en science et en technologie, démultipliant ainsi la visibilité du monde anglo-saxon dans ces secteurs au détriment de celle des autres. A terme, l'usage de plus en plus répandu de l'anglais dans les laboratoires de recherche, qu'il soit librement choisi ou imposé, aboutit à une véritable stérilisation du processus créatif, à un réalignement automatique sur les thèmes de recherche anglo-américains et à des contributions presque exclusivement techniques. La pensée scientifique est probablement condamnée à stagner tant que les langues autres que l'anglais n'auront pas reconquis leur statut d'outil d'investigation et de communication à part entière dans tous les secteurs de recherche.

       Ce livre cible les universitaires et les ingénieurs qui sont impliqués dans des activités de recherche. Il désacralise un sujet tabou, celui de l'usage de plus en plus répandu de l'anglais comme véhicule de communication dans le monde moderne de la recherche. Il dénonce la naïveté de ceux qui croient que l'usage de cette langue est neutre alors qu'elle entraîne des altérations considérables dans la nature de la démarche scientifique, sans compter les énormes privilèges économiques et politiques (en faveur des nations anglophones) créés dans son sillage. L'ouvrage fait voler en éclats le mythe de la prétendue nécessité d'une lingua franca dans les sciences et les techniques sur la base d'un argumentaire totalement pragmatique et indispensable à tous ceux qui veulent donner un nouveau souffle à la créativité scientifique. Il fournit de nombreuses explications et informations pour comprendre ce qui se passe. En l'absence totale de vision à long terme qui caractérise la plus part des sociétés industrialisées contemporaines, il comble un vide qui sévit dans la pensée actuelle en touchant un problème crucial qu'il convient de laisser de côté, selon certains.

***

       Extrait de Pourquoi veulent-ils tuer le français ? (éditions Albin Michel) du Pr Bernard Lecherbonnier, université Paris-XIII, directeur de recherche en études littéraires francophones, qui (présentation de la 4e de couverture) "brosse un tableau alarmant de la situation avec ce plaidoyer en faveur d'une défense active de la langue française, "langue de la République" selon l'article 2 de la Constitution.

       Par souci d’objectivité, nous signalons que le Pr Lecherbonnier n’est pas espérantiste. Voici ce qu’il en dit, page 215 :

       "Beaucoup de gens ont rêvé d'une langue qui fonctionnerait comme une parfaite mécanique dont tout aurait été calculé à l'avance. Mythe d'une langue artificielle, de l'espéranto, échappant aux contingences des langues naturelles. Or il reste qu'une grande langue ne peut être qu'un immense mystère, une sorte de galaxie en constante expansion, insaisissable dans sa totalité aux meilleurs esprits."

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Extrait 1 (p. 93 et suivantes)

       (…) L'affaire Montagnier-Gallo, à propos de la découverte du virus du sida, relève de cette pratique honteuse. En 1983, le professeur Luc Montagnier adressa un article à la revue Science pour annoncer la découverte d'un rétrovirus soupçonné d'être l'agent pathogène du virus du sida. L'évaluateur de l'article, Robert Gallo, demanda à son collègue Montagnier des échantillons et, après avoir intégré pour son propre compte les résultats de la recherche, n'hésita pas à s'en prévaloir. Bien que rendu public, ce scandale ne tourna pas entièrement au bénéfice de la victime : la communauté scientifique retint la leçon que, quoi que l'on fasse, il vaut mieux travailler pour une équipe américaine capable de l'emporter, y compris par la fraude, que pour une équipe française, même prestigieuse, comme l'est celle de l'Institut Pasteur, où travaillait le professeur Montagnier. Remarquons enfin que si l'équipe (française) de Luc Montagnier avait travaillé en français - et avait donc respecté la loi -, le problème de l'antériorité ne se serait même pas posé et que l'Institut Pasteur aurait touché 100 % des bénéfices rapportés par les brevets sans qu'un contentieux vînt les grever de frais indus.

       L'affaire Montagnier-Gallo n'est pas isolée. Charles Xavier Durand cite les propos d'un professeur américain souvent sollicité par les éditeurs de revues sur d'éventuelles publications : « Nous recevons ces articles en première exclusivité, antérieurement à toute publication. Ils nous arrivent sur un plateau d’argent, écrits dans notre langue, sans que nous demandions quoi que ce soit à quiconque. Comment voulez-vous que nous nous empêchions d’exploiter les meilleures idées ? Même avec les meilleures intentions du monde, nous ne pouvons nous empêcher d’être influencés, de changer nos objectifs de recherche et d’utiliser les idées les plus prometteuses à notre profit.

(…)

       De telles déclarations devraient sans nul doute provoquer des réactions épouvantées chez les chercheurs européens. Au mieux elles les anesthésient, rarement elles les révoltent. De fait les périodiques anglo-saxons peuvent leur demander des précisions, des compléments d'information, des secrets de fabrication : aussitôt ils envoient tout le matériel demandé sans se soucier de son éventuelle exploitation par leurs concurrents. Alain Fournier Sicre, un ancien de l'Antenne spatiale européenne, confie à Charles Xavier Durand ; « Dans tous les projets, les Américains demandent généralement toutes les données techniques, même celles dont ils n'ont aucun besoin, et les obtiennent sans difficulté. Personne, apparemment, n'a l'idée que toutes les données que nous leur fournissons sont précieuses et qu'elles sont le résultat d'années de recherche. Les Américains n'ont strictement aucun besoin de faire de l'espionnage industriel pour savoir ce que nous faisons. Ils n'ont qu'à demander ce qui les intéresse. Nos ingénieurs, nos chercheurs, nos administrateurs se sont tellement autodépréciés qu'ils croient les Américains tellement plus avancés que nous dans le domaine spatial. Ils ne cherchent même pas à se protéger. Les informations que les Américains récupèrent ainsi leur épargnent des années de recherche et les aident à consolider leur position dans le domaine spatial et dans la perception que le monde extérieur a de leurs travaux. »

       L'édition scientifique anglo-saxonne a inventé un procédé idéal pour s'exonérer des accusations de plagiat systématique qui caractérisent pourtant sa pratique. Le procédé consiste à noyer le poisson, c'est-à-dire à faire disparaître l'objet du délit sous une masse d'informations et de communications sans intérêt. Cette politique de surproduction rédactionnelle présente par ailleurs de nombreux avantages : l'éditeur tire des profits non négligeables de la participation financière réclamée aux auteurs et de la lucrative vente par abonnement aux universités. Peu importe, dans ces conditions, que 90 % des articles ne soient jamais lus. Une statistique récente a révélé que sur les cent mille articles médicaux publiés chaque année dans le monde, seuls deux cents à trois cents sont véritablement originaux et font avancer la recherche.

       Marcel LaFollette et J.-M. Lévy-Leblond (1) ont dénoncé la médiocrité de toute cette surproduction scientifiquement inutile. Pourquoi la supercherie dure-t-elle ? Parce que les universitaires ont besoin qu'elle perdure pour favoriser l'avancement de leur carrière et accroître leur bibliographie, socle de leur notoriété. En effet, c'est parallèlement à ce système de publication, et dépendant de lui, qu'ont été mis en place des fameux « indices de citation » qui servent de référence pour juger la valeur des scientifiques. Ces indices, dont le plus réputé est publié par l'Institut de l'information scientifique des Etats-Unis, s'appliquent aussi bien aux non-anglophones qu'aux anglophones. Comme, bien entendu, ils ne prennent en compte que les articles publiés dans des revues anglo-saxonnes, cela explique pourquoi les chercheurs européens courent après des publications en Amérique, quel que soit leur degré de sérieux - et même s'ils s'exposent à un plagiat ! Le plus étonnant, le plus scandaleux, est que dans certaines disciplines les jurys français et les commissions d'évaluation habilitées à donner leur opinion sur l'avancement et sur les nominations des chercheurs dans les universités s'appuient également sur les indices de citation américains dont ils n'ignorent pourtant pas le caractère fallacieux et aléatoire.

2e extrait (p. 99 et suivantes)

       Ni les scientifiques ni les directeurs des grandes écoles n'ignorent la situation. Le sérail de la recherche connaît parfaitement les données du problème. Le monde politique est également informé. En témoigne cette déclaration du président du Sénat, Christian Poncelet, en 2002 lors de l'inauguration de la foire du livre à Brive : « La situation est encore plus grave dans le domaine de l'édition scientifique et des revues qui sont un lieu de pouvoir. C'est d'elles que dépend le maintien d'un français scientifique vivant. C'est d'elles que dépendent la vitalité et la richesse de nombreux laboratoires et même de nos industries. Des exemples à foison ont montré que les grandes revues scientifiques anglo-saxonnes où nos compatriotes écrivent n'étaient pas forcément des lieux neutres et purs où seule compte la qualité des travaux. On raconte que la publication d'une découverte française attend quelques semaines le temps que le laboratoire concurrent américain dépose le même brevet, que ces revues sont un formidable lieu d'intelligence économique, voire de pillage. » Christian Poncelet termina son plaidoyer en appelant les Européens à défendre sans concession le principe de la diversité linguistique, pierre angulaire de la science européenne et de sa protection : « La Constitution européenne en projet et la Convention sur l'avenir de l'Europe doivent donc permettre de figer dans le marbre, par un article spécifique, ce principe que rien ne doit pouvoir entraver la possibilité des États de prendre toute mesure de nature à maintenir la diversité culturelle et linguistique de l'Europe et à développer Sa vitalité des cultures nationales, car elles sont par nature dans l'intérêt de l'Europe. » Que reste-t-il de ces belles et vigoureuses intentions dans le brouillon du projet constitutionnel européen dicté par Valéry Giscard d'Estaing ? Rien. Les scientifiques français, pas plus que les Européens, malgré l'abondance des preuves qui s'accumulent contre les pratiques anglo-saxonnes, ne semblent désireux de se défendre. On n'a guère entendu le collectif « Sauvons la recherche » s'exprimer sur ces thèmes. Et l'on peut se demander si l'Europe est capable de concevoir et de défendre une politique de la recherche décolonisée, impliquant l'indépendance de ses centres de recherche et l'usage de ses langues nationales, quand un grand nombre de ses représentants penche pour l'anglais comme langue de travail. Un seul exemple : l'Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire, construit à grands frais près de Strasbourg, dans le cadre du parc technologique d'Illkirch, n'hésite pas à diffuser le résultat de ses recherches dans deux revues anglo-saxonnes, Celll et Nature.

(…)

       L'espoir viendrait-il d'Asie ? Le fait est que ni les Japonais ni les Chinois ne paraissent prêts à se sacrifier aux intérêts américains. Ainsi le Japon a-t-il exigé de ses chercheurs percevant des deniers publics de publier d'abord leurs travaux au Japon et en japonais. Une politique sélective est de plus imposée aux éditeurs et aux revues afin d'éviter une surproduction de complaisance. Le critère retenu : ne sera publiée qu'une communication faisant réellement avancer la science dans le domaine scientifique concerné. Les pouvoirs publics s'assurent enfin qu'avant communication de résultats scientifiques à l'étranger, toutes les industries japonaises concernées aient pu en avoir connaissance afin d'éviter que des recherches qui ont bénéficié de fonds publics nationaux ne soient bradées à l'étranger. Le problème de l'antériorité est ainsi évacué, ainsi que le plagiat et ses conséquences économiques. Pourquoi la France, l'Europe, la francophonie n'adopteraient-elles pas ces mesures de bon sens ? Les Chinois, quant à eux, semblent déterminés à résister à l'abandon de leur tradition graphique sur Internet : ils ont inventé un système d'adressage à partir de leurs idéogrammes.

***

       On a longuement vu les multiples raisons des clichés et préjugés qui entourent l'espéranto, dont ses locuteurs traînent encore trop souvent une injuste réputation de farfelus, de soixante-huitards attardés.

       Mais sur l'accusation de prosélytisme, nous plaidons coupable ! Si l'on a la conviction que Zamenhof a réellement mis au point une géniale langue de communication, facile et précise, utilisable aussi bien pour un usage populaire que pour des publications scientifiques, à l’oral comme à l’écrit, il est logique de vouloir en convaincre les non-locuteurs, c'est-à-dire, pour une langue à vocation internationale, tout bonnement le reste du monde !

       Cette langue, reconnue par l'Unesco et le Vatican, dotée d'émissions radios, dont le fondateur le Dr Zamenhof est honoré en France (même en France, devrions-nous dire…) et ailleurs par des noms de rue et des statues, mérite au moins d'être possible en option au lycée... au lieu de faire l’objet d’un ostracisme aveugle, fruit d’un dogmatisme dépassé qui prend sa source dans la période de la guerre froide, lorsque tout relent de supranationalité se voyait suspecté de trahison.

       A l’heure où l’on construit l’Europe, les perspectives ne sont plus les mêmes, et il est temps que les écoliers ou les lycéens puissent juger par eux-mêmes de la valeur de cette langue, ou au moins être informés de son existence.

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       1. Auteurs respectivement de Stealing into Print, Califomia Press, 1992 et La Pierre de loucha, la science à l'épreuve, Gallimard, 1996