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L'espéranto
comme langue auxiliaire internationale

II

L'espéranto dans l'enseignement public

     Les premiers manuels du Dr Zamenhof (dont le pseudonyme était Dr Espéranto) parurent à Varsovie en 1887. Né en 1859 et mort en 1917, il travailla toute sa vie à réaliser un rêve d'enfance : rapprocher les peuples en leur donnant un moyen de se comprendre. Pour lui, la langue n'était pas un but, mais un instrument de concorde humaine.

     En assistant au XIIIe Congrès universel d'Espéranto à Prague, où étaient réunis 2 500 participants de tous les pays du monde, le Sous-Secrétaire général de la Société des Nations a été frappé de l'esprit élevé et du souffle d'enthousiasme humanitaire qui animaient l'assemblée. Il a constaté, dans son rapport, que le développement de la langue et son caractère vivant doivent beaucoup au puissant élan spirituel imprimé par Zamenhof au mouvement et à la littérature espérantistes. C'est dans les pays de l'Est et du Nord de l'Europe que la langue trouva ses premiers milliers d'adeptes, qui se groupèrent autour de la revue Lingvo Internacia, fondée à Uppsala en Suède.

     Depuis l'exposition universelle de Paris, en 1900, le mouvement se développa rapidement en France, où les milieux universitaires lui firent un chaleureux accueil. À partir de ce moment, ce fut la France qui fit connaître l'Espéranto à l'étranger et y intéressa des institutions officielles.

     Les principaux dirigeants de l'Espéranto avant la guerre étaient presque tous des universitaires français. Un recteur de l'Université présidait son Académie, un membre de l'Institut son Comité des Congrès.

     En 1905, le Gouvernement de la République française décorait le Dr Zamenhof de la légion d'honneur et le premier congrès universel d'Espéranto se réunissait en France. Le 1er août 1914, devait s'ouvrir à Paris le dixième Congrès avec 4 000 participants inscrits. La guerre interrompit ce développement.

     Cependant, la catastrophe mondiale, qui mettait des peuples entiers en présence, fit apparaître d'une manière plus tragique encore la nécessité d'une langue internationale pour le service de la Croix-Rouge, les secours aux blessés, les camps de prisonniers, les rapports entre armées alliées. Le Sous-Secrétaire d'État français du service de la Santé militaire organisa, par circulaire officielle du 20 mai 1916, la distribution de manuels Espranto-Croix-Rouge au personnel des formations sanitaires. Dans les vastes camps d'internés en Sibérie, des milliers d'hommes de toutes nationalités apprenaient l'Espéranto pour fraterniser entre eux et avec leurs surveillants japonais. Ces faits décidèrent la dixième Conférence internationale de la Croix-Rouge, convoquée après la guerre, à recommander l'étude universelle de l'Espéranto « comme un des plus puissants moyens d'entente et de collaboration internationale pour réaliser l'idéal humain de la Croix-Rouge. »

     Avant la guerre, l'Espéranto était surtout enseigné à des adultes par des sociétés privées, ou dans les cours du soir. Il existait 1 574 sociétés enregistrées dans 24 pays du monde. Cependant, l'enseignement facultatif de la langue internationale avait été inauguré dans les écoles primaires de Lille et au Lycée de St-Omer, en France. En 1916, les autorités scolaires d'Eccles (Manchester) en Angleterre, avec l'assentiment du Ministère de l'Instruction publique, organisèrent la première expérience d'enseignement obligatoire de l'Espéranto dans une de leurs écoles.

     On comprenait que la langue internationale ne rendrait véritablement son maximum désirable de services que lorsqu'elle serait enseignée comme seconde langue à tous les écoliers du monde. L'exemple fut bientôt suivi par d'autres municipalités anglaises et parles Ministères d'autres États.

     Aujourd'hui l'Espéranto est enseigné dans certaines des écoles primaires ou secondaires d'environ 320 villes de 17 pays et dans les cours du soir d'environ 1 200 villes de 39 pays des cinq continents. Nous ne citerons ici que les pays où une décision officielle a été prise par l'État ou des autorités locales importantes.

     En Albanie, un décret du Conseil des Ministres (n° 475, 3 juin 1922) introduit l'Espéranto comme branche obligatoire dans l'enseignement secondaire et supérieur.

     En Bulgarie, le Parlement l'a introduit dans les programmes par une disposition législative (article 143 de la loi scolaire votée en 1921). L'enseignement a commencé, comme branche facultative, en 1921-22, dans 25 écoles réales de l'État. Les rapports officiels indiquent 30 classes, 25 professeurs et 784 élèves des deux sexes. L'Espéranto est enseigné dans les cours pédagogiques pour la préparation des maîtres secondaires, à l'École militaire de Sofia, à l'Asile des aveugles de Sofia, et dans les cours publics du soir de 19 villes. La Société espérantiste bulgare a des sections dans 25 villes et la Ligue des jeunes dans six localités. Le mouvement est patronné par la Chambre de Commerce et d'Industrie, la Croix-Rouge, la Société des gens de lettres, les associations de tourisme, la Société pédagogique et par un certain nombre de professeurs de l'Université de Sofia. Il a paru en bulgare treize manuels et quatre dictionnaires d'Espéranto, dont ou a vendu 45 000 exemplaires. Le Gouvernement a subventionné le quatrième Congrès national d'Espéranto patronné par le Ministère de l'Instruction publique.

     L'Espéranto a servi à organiser de nombreuses rencontres et réunions entre sociétés bulgares, serbes et roumaines. C'est en Espéranto que M. Parish, de la Chambre de Commerce de Los Angeles, a fait en Bulgarie sa tournée de Conférences sur la Californie.

     Au Brésil, où plusieurs Ministères favorisent la diffusion de l'Espéranto, cette langue est enseignée depuis 1910, comme branche facultative dans des écoles primaires et secondaires de Rio de Janeiro. La loi du 31 octobre 1918 l'introduit à l'école normale et dans les écoles secondaires de l'État de Sergipe et le décret du 11 janvier 1919, dans les écoles primaires, professionnelles et normales du district fédéral. En octobre 1921, la Ligue espérantiste du Brésil a été reconnue d'utilité publique par les deux Chambres du Parlement fédéral. Un décret ministériel du 10 mars 1915 reconnaît l'Espéranto pour le service télégraphique, et une circulaire ministérielle du 4 février 1922 ordonne à tous les directeurs d'administrations postales de faire une liste des employés sachant l'Espéranto. Nous avons reçu, au Secrétariat général de la Société des Nations, une pétition en faveur de l'Espéranto, signée par 225 éminentes personnalités du Brésil : un. ancien président de la République, des ministres, sénateurs, députés, membres des Académies de Belles-Lettres, des Sciences, de Médecine, doyens de facultés, professeurs d'université, directeur d'école polytechnique, présidents de la Société de Géographie, de la Société de Médecine, de la Fédération des Chambres de Commerce, écrivains et littérateurs connus.

     En Belgique, où le roi patronna le dixième Congrès espérantiste de 1911 et où le prince royal patronne la Ligue nationale d'Espéranto, cette langue a été introduite dans le quatrième degré des écoles primaires de Verviers, par décision du Conseil communal. La municipalité de St-Gilles, Bruxelles, le fait enseigner officiellement depuis 1911 par un cours annuel ouvert aux élèves âgés de 16 ans. La municipalité d'Anvers le fait enseigner dans ses cours complémentaires depuis 1921.

     En Chine, un décret ministériel datant de 1911 a introduit l'Espéranto dans le programme des écoles normales. La Conférence nationale de l'Instruction publique, en 1921, a demandé une application plus générale du décret et a recommandé l'introduction dans toutes les écoles secondaires. L'Espéranto est enseigné aussi à l'Université de Pékin et dans les Écoles techniques de Hanko, Kanton, Pékin, Shanghaï et Hangtcho. Le Ministère de l'Instruction publique a envoyé un délégué officiel à la Conférence internationale de Genève sur l'Espéranto dans les écoles.

     En Espagne, le souverain, S. M. le roi Alphonse, s'intéresse personnellement au développement de l'Espéranto. Un 1909, le Gouvernement espagnol invita par voie diplomatique tous les États d'Europe à se faire représenter officiellement au sixième Congrès universel d'Espéranto à Barcelone, et le roi nomma le Dr Zamenhof commandeur de l'Ordre d'Isabelle la Catholique. Un décret ministériel du 27 juillet 1911 reconnaît l'Espéranto comme branche facultative dans l'enseignement supérieur et secondaire et la connaissance de cette langue comme un avantage pour les candidats aux postes administratifs. Il est enseigné dans les écoles normales de Madrid, de Saragosse et de Huesca depuis 1919.

     À Madrid, la Direction de l'Ordre public fait enseigner l'Espéranto à l'école de police, comme à Brunswick, à Dresde, à Edimbourg et à Lisbonne, où les sergents de ville sont ainsi préparés à faciliter la circulation des étrangers dans les rues. Il y a des cours de sociétés et d'universités populaires dans 31 villes et la langue est enseignée à titre facultatif : à Valence, au Conservatoire, à l'École des Arts et Métiers et à l'Université (Instituto de Idiomas) ; à Barcelone, à l'Université, dans deux lycées et dans plusieurs écoles confessionnelles.

     Il se publie plusieurs revues en Espéranto en Espagne et le roi a pris sous son patronage le deuxième Congrès espérantiste ibérique, à Saragosse, en 1921. La même année, les Espérantistes espagnols ont invité dans plusieurs villes des convois d'enfants autrichiens affamés, qui avaient appris l'Espéranto pour le voyage et qui furent répartis dans des familles.

     Trente-six manuels et neuf dictionnaires d'Espéranto ont été publiés en espagnol, cinq manuels et deux dictionnaires en catalan.

     En Finlande, le Parlement a consacré deux longues discussions à la question de la langue internationale. Il a voté deux fois des crédits pour développer l'enseignement populaire de l'Espéranto en Finlande et repoussé une proposition tendant à subventionner aussi l'Ido, estimant qu'il fallait encourager l'unité et non la division dans ce domaine.

     Un décret ministériel de 1919 autorise l'enseignement facultatif de l'Espéranto dans les écoles où la direction le demandera. Cet enseignement a commencé dans quatre écoles primaires, neuf écoles secondaires et deux écoles de commerce de Helsingfors, Tampere, Rauma, Mikkeli, Turku, etc. Il y a un cours à l'Université de Helsingfors pour préparer les instituteurs. L'Espéranto est également enseigné à l'Asile des aveugles, dans plusieurs écoles évangéliques, dans les cours complémentaires de six villes et dans les universités ouvrières de 15 localités. Il existe 36 groupements pour l'étude de l'Espéranto, dont 10 sont subventionnés par le Gouvernement. Il a paru dix manuels et quatre dictionnaires d'Espéranto en Finlandais (107.000 exemplaires).

     Le Ministère de l'Instruction publique s'est fait représenter à la Conférence de Genève.

     En France, d'après une circulaire du 3 juin 1922, l'enseignement de l'Espéranto n'est pas autorisé dans les écoles dépendant du Ministère de l'Instruction publique. Un projet de loi a été déposé en 1907 à la Chambre par 66 députés, mais il n'a pas encore été discuté. Une pétition a été présentée en 1921 par 25 membres de l'Académie des Sciences, demandant que l'Espéranto soit enseigné dans les écoles techniques. La Chambre de Commerce de Paris a nommé en 1920 une Commission pour étudier le problème et adopté ses conclusions à l'unanimité le 9 février 1921 (Voir Annexe, n° 2).

     En conséquence, l'Espéranto est enseigné, depuis 1921-22, à l'École pratique supérieure de Commerce et d'Industrie et dans les écoles commerciales de Paris et le sera depuis 1922-23, à l'École des hautes Études commerciales. Il existe des cours de sociétés dans 55 villes et il a été publié en français huit dictionnaires et trente-huit manuels d'Espéranto, dont les quatre plus répandus ont atteint respectivement 450.000, 89.000, 40.000 et 25.000 exemplaires.

     Le mouvement espérantiste a été encouragé par le Touring-Club de France, par l'Association française pour l'avancement des sciences, par la Ligue maritime française, par de nombreuses Chambres de Commerce, par des écrivains comme Tristan Bernard, François Coppée, Léon Frapié, Victor Margueritte, Georges Ohnet, par des hommes d'État comme MM. Chaumet, Deschamps, Justin Godard, Sembat, Steeg, anciens ministres, Herriot, maire de Lyon, Painlevé, ancien président du Conseil, par vingt-cinq savants de l'Académie des Sciences, comme le professeur d'Arsonval, le prince Roland Bonaparte, le général Bourgeois, le prince de Monaco, le professeur Charles Richet, le Dr Roux, le général Sébert et par des aviateurs et des industriels connus, comme Farman, Quinton, Archdeacon, Michelin, etc. Le rôle joué par la France dans le développement de l'Espéranto et deux cas d'encouragement officiel, en 1905 et 1916, ont été mentionnés à la page 6.(voir ici)

     En Grande-Bretagne, où le treizième Congrès national d'Espéranto était patronné par le duc de Connaught et le lord-maire de Londres, l'Espéranto est enseigné comme branche obligatoire dans treize écoles primaires de Barry, Bedworth, Coatbridge, Eccles, Huddersfield, Keighley, Leeds, Leigh, Liverpool, Rosyth, Stroud, Tottenham, Worcester, quatre écoles secondaires de Bishop Auckland, Bournemouth, Burntisland et Kilsyth et comme branche facultative dans les cours complémentaires d'une vingtaine de villes. Il y a des cours du soir non officiels dans les locaux scolaires d'une centaine de villes. L'Espéranto est enseigné, en outre, dans les collèges ouvriers de Manchester, d'Edimbourg et de Glasgow et dans les asiles d'aveugles de Birmingham et d'Edimbourg. La Chambre de Commerce de Londres fait passer des examens et délivre des diplômes d'Espéranto.

     D'après le rapport très complet que le Ministre britannique de l'Instruction publique a fourni au Secrétariat de la Société des Nations, l'autorisation d'introduire l'Espéranto dans les programmes, à titre d'expérience, a été sollicitée par quelques autorités scolaires municipales et a été accordée.

     La Commission des langues modernes, nommée par le Premier Ministre en 1918, a insisté sur l'utilité d'une langue internationale artificielle dont la stabilité pourrait être obtenue par un accord international. L'enseignement de l'Espéranto à l'École secondaire de Bishop Auckland, qui est une école subventionnée par le Ministère de l'Instruction publique, a été autorisé par le Ministère, à titre d'expérience, comme préparation à l'étude des langues étrangères.

     Il a été publié en anglais vingt-sept manuels et huit dictionnaires d'Espéranto, dont on a vendu 661000 exemplaires.

     Il a paru en Grande-Bretagne 124 ouvrages en Espéranto, dont six romans originaux, le Nouveau Testament, la Bible, un psautier et une quarantaine de traductions d'œuvres anglaises. On évalue à 50 000 le nombre des adultes ayant appris l'Espéranto.

     Une pétition à la Société des Nations a été signée par 1250 personnalités éminentes, membres du Parlement, pairs d'Angleterre, juges, lords-maires, lords-prévôts, maires et professeurs d'université, etc. L'Espéranto a été publiquement soutenu en Angleterre par des hommes comme lord Bryce, sir William Ramsay, lord Robert Cecil, sir Robert Baden-Powell, sir William Maxwell, lord Shaw of Dunfermline, Arthur Henderson, H. G. Wells, Israël Zangwill, etc.

     En Italie, l'Espéranto est enseigné à titre facultatif dans six écoles navales, à la suite d'une circulaire du Ministre de la Marine, datant du 21 novembre 1921.

     D'autre part, les municipalités de Milan, de Bologne et de Crémone l'ont introduit comme branche facultative dans leurs écoles primaires, et celle de Cologna-Veneta dans son école technique.

     A Milan, l'enseignement a commencé en 1920 et le Conseil communal en a décidé le maintien définitif, les deux tiers des parents le faisant suivre à leurs enfants. Il y avait, en 1921-22, cinquante-quatre classes avec 2.000 élèves des 5me et 6me degrés (10 à 12 ans).

     A Bologne, en 1921-22, renseignement a commencé dans quatre classes avec 200 élèves et à Crémone, la même année, dans dix classes avec 225 élèves du même âge qu'à Milan.

     Dans les cours du soir et les universités populaires d'Italie, il y a eu 350 cours d'Espéranto pendant l'hiver 1921-22. Il a été publié dix-huit manuels et cinq dictionnaires d'Espéranto en italien; 13 697 personnes ont appris l'Espéranto à des cours publics. On compte qu'il n'y a que 300 professeras et instituteurs préparés, alors qu'il en faudrait au moins un millier pour répondre aux besoins actuels. Les Ministères de la Marine et de l'Instruction publique se sont fait représenter à la Conférence de Genève. La question a été soulevée au Parlement le 3 juin 1922 et le député De Giovani a invité le gouvernement à prendre l'initiative d'une conférence ou d'une entente internationale pour introduire partout l'enseignement obligatoire de l'Espéranto dans les écoles.

     Au Japon, le Parlement a examiné deux pétitions signées par d'éminents universitaires et diplomates qui demandaient l'introduction de l'Espéranto dans les programmes scolaires. Il a accueilli favorablement la seconde et a recommandé au Ministère de l'Instruction publique de prendre les mesures nécessaires dans ce sens.

     Jusqu'ici, l'Espéranto était enseigné au Collège de Seikei, près de Tokio, à l'École normale supérieure de Hiroshima, à l'École supérieure de Yokosuka et dans les cours de sociétés d'une quarantaine de villes. Il existe des groupes d'élèves dans six écoles supérieures d'État, deux lycées publics, deux écoles supérieures commerciales, une école primaire commerciale, deux écoles techniques, quatre universités gouvernementales, onze universités privées et trois lycées privés. Parmi les espérantistes connus, on cite MM. Kroita, professeur de littérature à l'Université impériale de Tokio, et Nakamoura, directeur de l'Observatoire central de météorologie. Le baron Goto, maire de Tokio et ancien Ministre des Affaires étrangères, patronne le mouvement.

     C'est en Espéranto que le Ministre de Finlande au Japon, M. Ramstedt, fait des conférences sur son pays dans les principales villes de l'Empire. Il se publie plusieurs revues en Espéranto au Japon et il a paru cinq manuels et deux dictionnaires en japonais.

     Aux Pays-Bas, la nouvelle loi scolaire autorise l'enseignement facultatif de branches supplémentaires. En vertu de cet article, l'Espéranto est enseigné dans une septième d'école primaire à Haarlem, dans une sixième à De Ryp et une septième à Ootmarsum. Il est enseigné aussi à l'Asile des aveugles à Grave et dans 32 écoles privées des provinces du sud, parfois à titre obligatoire. La majorité de ces écoles sont des internats catholiques.

     D'autre part, la municipalité de La Haye fait enseigner l'Espéranto dans ses cours du soir, ainsi que les Universités populaires d'Amsterdam et de Rotterdam. Il y a des cours de sociétés ou d'instituts commerciaux dans 95 villes et la Société néerlandaise d'Espéranto a diplômé 118 professeurs. Le délégué du Ministère de l'Instruction publique des Pays-Bas à la Conférence sur l'Espéranto à l'école a donné le chiffre de 250 instituteurs préparés.

     Le département des Postes et Télégraphes fait indiquer par un écriteau les guichets où il y a un buraliste parlant Espéranto et la Compagnie des tramways de La Haye donne une allocation à ceux de ses employés qui apprennent cette langue.

     Il existe en hollandais vingt-neuf manuels et cinq dictionnaires d'Espéranto publiés par différents éditeurs.

     Au Portugal, le rapport très intéressant qui nous a été envoyé par le gouvernement de cette république signale que le Ministère de l'Instruction publique, sur la proposition du Directeur général de l'enseignement supérieur, a institué une commission officielle d'examens en Espéranto. Déjà depuis 1917, les Ministères de la Guerre et de la Marine autorisent les candidats qui ont obtenu le diplôme d'Espéranto à porter un insigne spécial sur leur uniforme. Un décret ministériel a introduit l'enseignement de l'Espéranto à l'École Perreira-Borges et à l'École de police de Lisbonne.

     L'Espéranto a été reconnu comme langue officielle de la Foire de Lisbonne, à côté de la langue nationale, et il est enseigné à l'Athénée commerciale, à l'Université libre, à l'Association des instituteurs primaires, à la Société de géographie et dans presque tous les cercles ouvriers de Lisbonne.

     Le rapport du Gouvernement constate que les élèves apprennent la langue très rapidement et sont en général capables de la lire, de l'écrire et de la parler assez bien pour se faire comprendre au bout de vingt-quatre leçons. Il a paru onze manuels et quatre dictionnaires d'Espéranto en portugais.

     En Suisse, il n'existe pas d'autorité scolaire centrale. Chaque canton est souverain dans ce domaine. Le département de l'Instruction publique de la République et Canton de Genève a introduit, en 1921-22, l'enseignement obligatoire de l'Espéranto, à titre d'essai, dans le dernier degré des écoles primaires. Il y a 13 classes avec 400 élèves des deux sexes (13 à 14 ans).

     L'Espéranto est enseigné dans une école sociale pour femmes (à Genève), dans un séminaire (à Zoug), dans un collège (à Schwytz), dans un institut privé (à Zurich) et dans des cours du soir de sociétés commerciales et autres dans 19 villes.

     En Tchécoslovaquie, un décret ministériel du 29 mars 1921 autorise l'enseignement facultatif de l'Espéranto dans les écoles où il y a des instituteurs qualifiés. Les directions ont reçu l'ordre de faire des propositions en soumettant le programme prévu et les titres de capacité du personnel enseignant disponible. En 1919, 1920 et 1921, cet enseignement avait déjà été donné dans 15 écoles primaires à 450 élèves, dans trois écoles secondaires à 325 élèves et dans une école professionnelle à 40 élèves. Le Ministère a approuvé deux manuels officiels en tchèque et en allemand et il a nommé trois examinateurs (deux de langue tchèque, un de langue allemande). Il a paru en langue tchèque quinze autres manuels et six dictionnaires d'Espéranto. Le programme des écoles de commerce, paru au Bulletin ministériel du 15 mai 1921, comprend deux heures par semaine d'Espéranto. À titre d'expérience, le Ministère a aussi autorisé, dans les écoles de commerce, l'enseignement facultatif de l'Ido le 15 septembre 1921, «s'il se trouvait un professeur capable et si les élèves préféraient apprendre cette langue», mais il n'y a pas eu d'inscriptions et, par conséquent, pas de cours, sauf à Horice, dans une école.

     L'Espéranto est enseigné actuellement dans les écoles de commerce de Brunn, Beroun, Horice, Liberec, Pilsen et Zatec. Le nombre des élèves dans chaque classe varie de 21 à 54.

     En Tchécoslovaquie, l'Espéranto est très répandu. Il y a des groupes espérantistes dans toutes les villes et même dans des villages. Le Congrès universel de Prague fut patronné par le Gouvernement, considérait l'Espéranto comme un important facteur de civilisation et de pacification mondiale. Le Ministère de l'Instruction publique s'est fait présenter à la Conférence de Genève. Le Ministère des Postes a fait recenser les employés sachant l'Espéranto et la direction des chemins de fer leur accorde des avantages matériels. Il paraît en Tchécoslovaquie huit journaux périodiques en Espéranto.

     ***

     En dehors des États Membres de la Société des Nations, à la date de ce rapport, il y en a d'autres où l'Espéranto est officiellement enseigné.

     En Allemagne, les Ministères de l'Instruction publique des États du Brunswick, de Hesse et de Saxe ont pris des décisions favorables à l'Espéranto. Son enseignement obligatoire a été introduit, en 1920 et 1921, par les autorités municipales dans les écoles primaires de cinq villes, et son enseignement comme branche facultative dans les écoles primaires de 39 villes, dans les écoles secondaires de neuf villes, dans les écoles techniques et commerciales de 13 villes, et dans les cours complémentaires de 44 villes. En 1922, il a été introduit dans les écoles publiques de 52 nouvelles localités, en tout 162 villes, dont Breslau, Chemnitz, Dresde, Leipzig, Nuremberg, etc. Il est enregistré dans les asiles d'aveugles de trois villes.

     Le Ministère allemand de l'Intérieur a donné un caractère officiel à l'Institut national d'Espéranto à Leipzig, pour préparer le corps enseignant. Des examinateurs d'État ont été désignés pour 18 villes et le nombre des instituteurs enseignant l'Espéranto en Allemagne est de 630.

     D'après le rapport officiel qui nous a été communiqué par le représentant du Ministère de l'Intérieur à la Conférence de Genève, il existe des cours d'Espéranto pour adultes dans 211 villes et 279 groupes d'espérantistes, dont 90 sont des groupements ouvriers.

     Pendant l'hiver 1921-1922, il y a eu en Allemagne 1 592 cours qui ont été suivis par 40 256 adultes dont 20 456 ouvriers.

     On évalue à 120 000 le nombre des personnes ayant appris la langue avant 1922. Il a été publié en allemand 49 manuels et 18 dictionnaires d'Espéranto. On a vendu un peu plus de 600 000 exemplaires des manuels.

     En Hongrie, un décret ministériel du 30 octobre 1920 autorise l'enseignement facultatif de l'Espéranto dans les écoles secondaires. Il y a deux cours à l'Université de Budapest pour les instituteurs.

     D'autre part, la municipalité de Budapest autorise six cours publics dans des locaux scolaires de la capitale. Il y a 16 groupes espérantistes dans Budapest et ses faubourgs et 25 en province. On évalue à 50 000 le nombre des personnes ayant appris la langue. Il a paru en hongrois 22 manuels et six dictionnaires d'Espéranto. On a publié en Hongrie 43 ouvrages dans cette langue, dont 21 traductions de chefs-d'œuvre de la littérature magyare et une anthologie des auteurs croates. Le poète Kalocsay a publié des œuvres originales en Espéranto. L'Espéranto est enseigné aux sergents de ville, aux postiers et aux aveugles de l'asile à Budapest. L'État a fait imprimer gratuitement, pour ces derniers, des manuels de cette langue en relief Braille. Depuis 1918, le Ministère des Affaires étrangères a publié en Espéranto quelques brochures, dont un ouvrage sur l'«Unité économique de la Hongrie», pour faire connaître la situation du pays à l'étranger. Un appel publié dans la presse espérantiste étrangère a rapporté 100 000 couronnes pour les enfants affamés de Budapest. Dans un débat entre les Académies des Sciences de Hongrie et de Tchécoslovaquie, c'est l'Espéranto qui a été employé comme langue de correspondance officielle. La question a été soulevée au Parlement par le prélat Giesswein, chef du parti social-chrétien, à propos de la réforme scolaire.

     En Russie, le Commissariat du peuple à l'Instruction publique nomma, en janvier 1919, une commission chargée d'étudier la question de faire enseigner une langue internationale dans les écoles. La commission, après avoir examiné l'Espéranto et l'Ido, se prononça pour l'Espéranto et pour son introduction dans les programmes scolaires. Depuis lors, il semble que les circonstances politiques aient retardé l'application de la décision prise. Il y a quelques cours d'Espéranto à Moscou, à Pétrograd et dans plusieurs villes, mais il est difficile d'être exactement renseigné à ce sujet.

     Avant la guerre, le nombre des espérantistes était considérable en Russie. On l'évaluait à 80000. À Saratov, la bibliothèque privée d'un espérantiste, qui contient 4000 volumes, a été nationalisée ; trois employés de l'État sont chargés de son entretien.

     Il a paru en russe 32 manuels et 10 dictionnaires d'Espéranto. On a publié dans cette langue des traductions des chefs-d'œuvre de Tchekhov, Garchine, Gogol, Gorki, Krilov, Lermontov, Pouchkine, Tolstoï, Tourguenev et des originaux des poètes Deviatnine, George Dechkine et Romano Frenkell. Dans la République sibérienne, il se publie à Tchita une revue d'art en Espéranto.

     En Sibérie, sur la proposition de 28 députés au Parlement, d'un membre du Gouvernement, de plusieurs écrivains et savants, et du Président de l'Union des instituteurs transbaïkaliens, le Gouvernement de la République d'Extrême-Orient a décidé d'introduire l'enseignement facultatif de l'Espéranto dans les écoles et a adressé à ce sujet une circulaire datée du 17 février 1922 à tous les Commissariats locaux d'instruction publique et à l'administration scolaire centrale du Ministère des Transports.

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     Il faut noter encore qu'en 1910, le Gouvernement de Samos avait introduit l'enseignement de l'Espéranto dans toutes les écoles primaires de l'île par décret du 20 novembre 1910 et que le Sénat de l'État de Maryland, aux États-Unis, avait introduit cette branche dans les programmes scolaires. La même année, au sixième Congrès universel d'Espéranto, à Washington, présidé par M. John Barrett, directeur du Bureau international des Républiques américaines, les Gouvernements du Brésil, de l'Équateur, des États-Unis, du Guatemala, de la Chine, de l'Espagne, du Honduras, de Costa-Rica, du Mexique, de la Perse, de la Russie et de l'Uruguay avaient envoyé des délégués officiels.

     Depuis 1918, la Chambre de Commerce de New-York fait enseigner l'Espéranto dans ses cours.