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Grammaire de l'espéranto

 

Création de termes (vortfarado)

       L'espéranto, on l'a vu, est basé sur les racines que le Dr. Zamenhof a choisies à son époque dans diverses langues européennes. Il a gardé le radical de mots très répandus. A partir de ces racines de base, la structure combinatoire de l'espéranto a permis d'élargir considérablement le vocabulaire, à mesure que les locuteurs ont développé la langue, de génération en génération, comme dans toute langue vivante.

       Mais dans le même temps se sont greffées d'autres racines, parfois pour disposer de plusieurs niveaux de langue - poésie, argot - mais aussi dans le but de suivre l'évolution scientifique et de disposer de terminologies adaptées.

       Il existe deux méthodes pour créer des mots en espéranto.

       Le mot "hôpital" est un bon exemple de ces deux méthodes : c'est un des mots internationaux, c'est-à-dire qu'il est naturellement présent dans de nombreuses langues, plus ou moins modifié. Pour le traduire, on a pu :

       - copier le mot ou plutôt le radical, en l'espérantisant par une finale en -o (pour un substantif) : hospitalo

       - créer ce terme en utilisant au mieux la richesse combinatoire de l'espéranto : malsanulejo (mal- préfixe du contraire, -san- "sain", -ul suffixe de l'individu, -ej suffixe du lieu en question).

       Ces deux méthodes ont chacune leurs avantages et leurs inconvénients : espérantiser directement est facile, cela a permis un enrichissement simple de l'espéranto en suivant l'évolution des techniques. Mais cette méthode qui paraît simple et efficace a de redoutables conséquences à long terme : elle multiplie le nombre de racines, laissant persister les ambiguïtés d'origine, tout en augmentant le risque de bizarreries.

       Au final, cette méthode fait perdre à l'espéranto sa cohérence. Aussi, les espérantistes s'accordent en général à dire qu'il faut exploiter au maximum les racines existantes et limiter l'apport de nouvelles racines. Ainsi, il est fréquent dans les termes médicaux de trouver deux mots, l'un facilement reconnaissable, l'autre en quelque sorte plus espérantiste.

Cohérence de l'espéranto médical

       Actuellement, l'anglais domine le monde médical, publications et congrès, laissant une maigre part aux autres langues, dont le français.

       Mais si l'espéranto continue de progresser comme langue internationale de communication, tôt ou tard, il commencera à être également utilisé en médecine, d'autant que les racines de la terminologie médicale sont essentiellement latines et grecques, identiques à celles que les praticiens du monde entier apprennent, mais sans les irrégularités, donc d'un usage plus facile, aussi bien d'un point de vue phonétique que terminologique.

       De même qu'une construction doit veiller à disposer de fondations solides, l'espéranto médical devrait pouvoir respecter la cohérence de la langue, voire en bénéficier, en gommant certaines anomalies que l'usage a entérinées, ou en créant des termes plus signifiants.

       Il existe divers lexiques médicaux espérantistes. Nous travaillons principalement à partir du dictionnaire anglais-esperanto de Yamazoe Saburoo et du grand dictionnaire généraliste PIV (Plena ilustrita vortaro de esperanto, 2005)

       Au fil du 20e siècle, de nombreuses racines latines ou grecques supplémentaires ont été introduites pour coller à la terminologie médicale anglo-saxonne ou française. L'apport de racines nouvelles, spécifiquement médicales, n'est pas toujours un enrichissement de la langue, et n'apporte pas forcément plus de précision de sens : quelle différence entre miokardo et kormuskolo ? Uniquement la distinction entre langue savante et langue vernaculaire.

       Il nous a parfois paru nécessaire et utile de modifier quelques termes, de supprimer quelques racines, notamment lorsqu'il existait plusieurs racines ayant le même sens.

       Il existe par exemple trois racines pour utérus : latin uterus, grec hustera (hystérectomie), grec mêtra (métrorragie). Il nous a paru préférable de ne garder que la plus fréquente, reconnue par le dictionnaire PIV, uter-, au risque de modifier les termes ci-dessus très connus.

       Autre exemple : krioterapio (cryothérapie) peut être compris en espéranto comme la thérapie par le cri (krio), comme il existe la thérapie par le rire. Nous avons préféré fridoterapio.

       Ce problème n'est pas rare : des racines plus courantes que cryo- ont parfois déjà un autre sens en espéranto : mono- veut dire argent, une monoterapio serait donc une thérapie par l'argent... Nous avons préféré unuterapio, unu étant la racine espérantiste de base.

       Autre exemple, le mot "dyslexie", dont le PIV donne comme traduction disleksio. La construction n'est pas espérantiste, car dis- est en espéranto un préfixe signifiant dispersion de l'action, et leksi-o n'est pas une racine reconnue. Le PIV a accepté ce terme connu en le considérant comme une racine à part entière disleksi-o, mais pour un Asiatique qui a appris l'espéranto, ce mot n'est pas parlant selon les règles de l'espéranto, de sa construction, de ses affixes. Nous avons proposé mislegemo (mis- préfixe d'une action ratée ou imparfaite, leg- lire, em- tendance, penchant, dans la durée). Mislegemo est moins parlant pour un débutant occidental que disleksio, mais largement plus compréhensible pour tout espérantiste, même non-médecin ou non enseignant.

       Ci-dessous, la liste alphabétique et non exhaustive des principales racines que nous avons privilégiées, sans les utiliser systématiquement :

Ĉelo = cito (gr. kutos, cellule)
Dolor- = -algio.
Fiksado = -peksio (-peksie, fixation)
Fortranĉo = -ektomio (-ectomie, ablation)
Fung- = mikoz- (mycose)
Hiper- ou mult- = poli- (poly-)
Idro- = hidro pour la sueur, afin de distinguer de l'eau (hidro ou akvo)
Kelo (gr. kêlê) ou hernio = celo, afin d'éviter l'homonymie avec "objectif" en espéranto.
Lang- (lango, langue) = gloss- (gr. glôssa)
Mamo- = masto-
Mis-
est préféré à dis- dans le sens de dysfonctionnement (dyslexie).
Moliĝo = -malacio (malacie, ramollissement)
Muskol- = mio- (gr. mus, muscle), que nous avons conservé uniquement dans certains termes très connus (électromyographie)
Okul- = oftalm-
Palpebr-
= blefar-
Sangado
= -ragio
Unu
= mono- (qui signifie argent, monnaie en espéranto).
Uter- (lat. uterus) a été privilégié par rapport aux deux autres racines (gr. hustera et mêtra) pour avoir une seule racine, malgré des termes connus comme hystérectomie et métrorragies.

       Un problème particulier : sur le k et le ĥ, voir "Au sujet du glissement du ĥ vers le k".

Conclusion

       Si une terminologie médicale très proche de la nôtre nous serait familière, elle s'éloignerait aussi de l'idéal de l'espéranto d'une langue facile et régulière, et de sa vocation internationale basée sur l'usage maximum de ses radicaux et affixes de base.

       C'est finalement un choix au cas par cas, du moins racine par racine. Chaque terme nouvellement créé a été indiqué (prop.), pour proposé/proponita. L'absence de cette mention signifie que la racine ou l'expression ont pu être vérifiées par ailleurs, tant il est vrai que l'espéranto est une chaîne de personnes unies dans le but commun de développer cette langue de communication internationale, depuis son fondateur, le Dr. Zamenhof, jusqu'aux jeunes générations actuelles qui, nous l'espérons, verront son usage se répandre toujours un peu plus.